Objectif des expériences PROCESS, AMINO et PSS
à la recherche de la composition moléculaire des noyaux de comètes
Les comètes comptent parmi les corps du Système Solaire les plus riches en matière organique. Bien que plus d'une vingtaine de composés volatils puissent être observés dans les atmosphères cométaires, il n'existe à ce jour aucune indication directe concernant la composition moléculaire de leurs noyaux. Des expériences de simulation en laboratoire laissent penser que des molécules beaucoup plus complexes sont susceptibles d'être synthétisées dans les glaces cométaires à partir des molécules légères déjà observées. Parmi ces molécules : le polyoxyméthylène (POM : -(CH2-O-)n- ) l'héxaméthylènetétramine (HMT : C6N4H12) ou encore les polymères de HCN).
Mises en présence d'eau à l'état liquide, ces molécules peuvent avoir des implications exobiologiques majeures une fois importées sur Terre lors d'impacts ou par sédimentation de micrométéorites d'origine cométaire dans l'atmosphère (synthèse de sucres à partir du formaldéhyde libéré par le POM, et d'acides aminés par hydrolyse des polymères de HCN). Nous cherchons d'une part à déterminer si ces molécules peuvent survivre dans l'espace sur des grains cométaires après éjection du noyau, avant une importation éventuelle sur Terre (exposition de la molécule pure, ou en matrice minérale ou organique dans des cellules ouvertes), et si la dégradation de ces molécules (et de leur matrice dans le cas d'une matrice organique) peut être à l'origine des sources distribuées observées dans les comètes (H2CO, CN, CO...).
De la chimie de Titan à celle de Mars
Pour ce qui concerne la chimie de Titan, nous exposons des tholins (analogues de laboratoires des aérosols organiques de l'atmosphère de Titan) synthétisés en laboratoire sous différentes conditions afin de déterminer l'évolution de leurs structures et propriétés optiques, toujours avec la possibilité de collecter les résidus volatils de dégradation. Nous cherchons aussi à étudier la photochimie du méthane en exposant dans des cellules fermées des mélanges N2/CH4 et Ar/CH4.
Dans le cadre de la chimie martienne, nous cherchons à évaluer dans quelle mesure des molécules organiques pourraient être détectées à la surface de la planète par les futures missions d'exploration (acides aminés, hopanes, hopanoïdes et acide benzoïque).
étude des météorites
Pour ce qui concerne les météorites, les études portent sur la stabilité et la réactivité chimique d'acides aminés. Les composés à irradier ont été sélectionnés pour leur intérêt prébiotique et pour la diversité de leurs groupements fonctionnels. Afin d'éloigner toute possibilité de contamination, les énantiomères D des acides aminés protéiques ont été choisis pour ces études. Il s'agit en particulier de glycine (Gly), alanine (Ala), acide amino isobutyrique (Aib), acide aminobutyrique (Abu), sérine (Ser), valine (Val), acide aspartique (Asp), dileucine (Leu2).
Amino
Dans le cadre de l'expérience AMINO, une partie des échantillons est consacrée à l'étude de l'hypothèse du "Monde ARN" selon laquelle l'ARN aurait eu un rôle primordial aux origines de la vie en raison de ses propriétés informationnelles et catalytiques. Il est donc important d'étudier la stabilité de petits ARNs dans des conditions environnementales semblables à l'environnement primitif terrestre, où ils étaient soumis à un rayonnement solaire puissant. Dans ce cadre, il s'agit d'exposer un petit ARN ribozymique (ADHR1) et de suivre son activité catalytique d'auto-coupure après exposition. Une étude est faite sur l'ARN seul ou piégé dans du sel (NaCl) pour mimer la conservation de l'ARN dans des dépôts salins tels que ceux que l'on trouve actuellement sur Mars.
De façon générale, l'objectif de ces expériences est de mesurer les constantes cinétiques de photolyse des produits exposés, et ainsi évaluer leur temps de vie photochimique quand elles sont exposées au rayonnement solaire.
La matière organique, base de la chimie prébiotique, pourrait avoir eu en partie une source extraterrestre. En effet, la Terre primitive a connu, il y a plus de quatre milliards d’années, une phase intense de bombardements par des comètes, des météorites et des micrométéorites. Ces objets contiennent des molécules organiques, par exemple des acides aminés, qui auraient pu, associées à de l’eau en phase liquide, conduire à l’apparition de la vie.
L’objectif est donc de comprendre quels sont les mécanismes chimiques à l’origine de l’évolution de la matière organique présente dans le milieu interstellaire, les comètes et les astéroïdes, par exemple quelles molécules sont susceptibles d’être présentes, ou bien d’être rapidement détruites ou transformées.
process
Une partie des échantillons était constituée d’acides aminés, molécules incontournables dès qu’il s’agit de comprendre l’apparition de la vie puisqu’elles sont les briques élémentaires de toutes les protéines dont on a dû mal à imaginer qu’un organisme vivant puisse se passer. Ces molécules peuvent être apportées sur Terre par certaines météorites ou les comètes.
Grâce à l’expérience PROCESS, la vitesse de détériorations de ces molécules dans l’espace a pu être mesurée et il est apparu que le rayonnement ultraviolet en est la principale cause. Associée à d’autres irradiations effectuées en laboratoires en support, PROCESS a aussi permis de mieux connaitre les interactions entre les molécules organiques et la matière minérale. En effet, cette dernière peut, en fonction du rayonnement ultraviolet absorbé, protéger les composés de manière importante ou non. Ainsi, les composés importés sur Terre par les météorites, micrométéorites et comètes pourraient en quelque sorte subir une « sélection » durant leur voyage interplanétaire, favorisant sur Terre les molécules les plus résistantes aux conditions de l’espace.
Une autre série d’échantillons était exposée sous un filtre recréant les conditions de photolyse à la surface de la planète Mars. A quelques semaines de l’arrivée sur Mars du rover Curiosity de la mission MSL/NASA, dont une partie des instruments est dédiée à la recherche de matière organique sur la planète rouge, PROCESS apporte des éléments déterminants. Les mesures des temps de vie photochimiques de certains des composés recherchés (acides aminés et acides carboxyliques) indiquent que ceux-ci sont trop faibles pour que l’on puisse espérer détecter ces molécules à la surface si leur seule source dans l’environnement martien est un apport météoritique.
Enfin, PROCESS a été l’occasion d’une grande première expérimentale : en plus d’échantillons exposés sous forme solide, un dispositif expérimental original a ouvert la voie à un nouveau type de molécules qui n’avaient encore jamais pu être expédiées en orbite pour ce genre d’expériences : des échantillons en phase gazeuse, simulant l’évolution d’atmosphères planétaires sous l’action du rayonnement solaire.
Pour PROCESS, des mélanges représentatifs de l’atmosphère de Titan (azote moléculaire (N2) et méthane (CH4)) ont été préparés en laboratoire avant d’être expédiés en orbite. Les résultats rapportés par PROCESS sont cohérents avec ce que l’on sait du comportement de ce type de mélange gazeux sous l’action du rayonnement ultraviolet. Ces mesures concluantes vont donc permettre la généralisation de ce type d’échantillons pour les futures campagnes d’exposition en orbite terrestre.
PSS
L’expérience PSS (Photochemistry on the Space Station) est un projet très similaire aux expériences PROCESS et AMINO qui ont déjà été réalisées toujours avec le support du CNES et avec Hervé COTTIN du LISA comme PI (Principal Investigator), cette expérience vise à étudier le comportement d’une large gamme de molécules organiques (composées de carbone, d’hydrogène et éventuellement d’azote et d’oxygène) lorsqu’elles sont soumises aux conditions spatiales.
Mais l’une des originalités de cette nouvelle campagne, outre l’analyse de la photolyse des molécules exposées est d’étudier la résistance de différents modèles de biopuces face aux contraintes spatiales, comme le rayonnement cosmique et les variations extrêmes de température.Ces Biopuces ont un principe de détection basé sur la reconnaissance d'une molécule cible par des récepteurs d'affinité (des anticorps et des aptamères) fixés sur une surface solide. Elles pourraient être utilisées comme capteurs aux cours de missions planétaires pour aider à la recherche de biomolécules de vie extraterrestre, passée ou présente dans le système solaire. PSS est leur baptême spatial. Si les biopuces résistent et conservent leur capacité de détection et d’identification à leur retour, de nouveaux instruments d’analyse in-situ basés sur cette technologie verront le jour dans les prochaines années.